Normandie, un 6 au matin, mais pas en juin
(reprise d'un sujet déjà posté ailleurs, désolé pour ceux qui connaîtraient déjà)
A cette époque, la chasse à l'arc est totalement légalisée depuis peu en France, alors que nous venons de subir notre premier abandon avec Lütgen Père. Les contacts et échanges deviennent plus faciles et les moyens de communication se développent. Ils ne sont pas légion, faut savoir faire avec et chercher.
Quand on parle de chercher, pour le matériel c'est la même chose.
On commence à trouver du matériel des US mais la gamme est vaste et force est de reconnaître que l'expérience pratique suffisante n'est pas là pour savoir choisir ce qui est ou non efficace et sur quoi ? Pas de forum de discussion non plus pour échanger ses expériences et ses conclusions respectives, pas de support pour apprendre.
Y a pas de secret, faut sortir sur le terrain et faire des essais.
Plus facile à dire qu'à faire à cette époque, on a beau être déjà chasseur, comment faire sans enfreindre la loi ?
Et puis un jour de recherche, on lit dans le seul magazine français à l'époque : "Journée de chasse au petit gibier".
On se concerte alors entre amis, et on se décide à partir.
On a chargé les voitures, on est fin prêt. Et c'est pas peu dire, comment a-t-on pu mettre autant de matos dans un volume aussi petit. Les arcs pendent à côté de nos têtes, fixés aux poignées du plafond. De l'arrière, on peut voir des grandes plumes qui émergent du coffre tels des bégonias aux bacs des balcons. Vous voyez deux secondes la scène au poste frontière : "Bonjour messieurs, vous avez quelque chose à déclarer avant de quitter le territoire…."
Cinq heures plus tard, nous sommes arrivés, rien que le nom du bled et de l'avoir trouvé, c'est déjà des vacances.
Nous sommes dans un petit hôtel renseigné par l'organisateur, un truc à 10 € la nuit par personne, à 3 par chambre, on est pas sur la paille mais on avait dit : on comprime les frais au max. Même si les autres se posent encore la question aujourd'hui, moi je reste persuadé que cet hôtel est un des rares, sinon le seul, à avoir subsisté au débarquement. Et c'est sûr que les lits sont d'époque.
Lendemain matin, avant que le jour ne pointe, rendez-vous avec l'organisateur au bar de l'hôtel, on va enfin faire connaissance et voir nos tronches respectives pour la première fois. Super, la mienne à comme un air de mauvaise nuit. Allé les gars, on déjeune rapide, la chasse nous attend
On sent doucement monter le stress dans la voiture. Y a pour ainsi dire plus de commentaires qui fusent, tout le monde est rivé aux fenêtres, on a quitté le village et la route principale, on est sur un chemin qui a tout l'air d'être privé. Tout autour des paquets de petits bois et bosquets, séparés par des plaines, un alterné entre pâturages bien verts et terres de ronces, d'étangs, de "crasses" de toutes sortes, mais dans des tailles largement supérieures à ce que l'on peut voir chez nous. Soudain au bout du chemin, si il y en avait un, une grille. Derrière cette grille un château flanqué de plusieurs bâtiments de dépendances, mince c'est là qu'on rentre, on va où là ???
Pour la petite histoire, nous sommes sur les terres d'un industriel français qui y maintient du petit gibier naturel pour ses chasses du week-end. Nous ne saurons pas comment, mais notre organisateur est parvenu à obtenir le droit de chasser à l'arc sur ces territoires pendant la semaine. C'est pas le petit groupe de belges partis pour quelques jours de vacances au départ, qui viendra s'en plaindre.
Encore un peu sur le cul, on regarde ces territoires qui s'étendent à perte de vue, et on se demande encore comment c'est bon dieu possible, et surtout comment on va faire ….
C'est beau hein mon copain, déjà là on a pas tout perdu….
Tradition en France, avant de partir, on sonne. Pas de problème, nous aussi on a notre sonneur de Saint-Hubert, Messieurs en piste :
Une petite photo du groupe sur le départ :
Je peux dire que là nous aurons probablement passé nos plus belles journées de chasse au petit gibier, parce que bien évidemment nous y sommes retournés par la suite.
Nous avons vécu des moments inoubliables et nous avons aussi beaucoup appris, si pas presque tout.
Des journées de chasse à la botte, aux chiens d'arrêt, en remontant des langues de terres remplies de ronces, de trous et fossés, de tas de bois en tout genre.
Celles de voir la beauté du travail du chien qui vous fixe un faisan au sol à plus de 80m devant vous, et qui le maintient immobile jusqu'à ce que vous fassiez vous péniblement la distance dans ce capharnaüm de branches cassées et de ronces. Un chien qui après avoir accompli tout ce boulot, ne s'offusque même pas de ne rien voir retomber au sol d'autre que les flèches de ces apprentis archers venus d'ailleurs, et qui s'honore encore malgré tout de vos simples remerciements et caresses de la main pour le travail accompli en vous gratifiant d'un coup de langue.
Des moments à scruter la cime des hauts sapins, pendant que d'autres traversent ces blocs de bois pour faire lever le bel obscur, voir si la chance est de la partie, un magnifique vénéré. Dieu qu'il est passé haut et vite.
D'autres encore à remonter ou descendre les petits ruisseaux qui arpentent tout le domaine et alimentent les énormes pièces d'eau que l'on peut voir sur les premières photos. Tapis et accroupis dans un genre de marécage, dans les hauts roseaux à l'affût du moindre canard qui s'est mis dans l'idée de redescendre le ruisseau à la nage pour éviter de croiser cet autre groupe d'archer qui descend à leur rencontre, ou d'éviter ce chien.
Des moments vraiment magiques.
La lumière baisse, la fin de journée s'annonce. Pas fâché de retourner au château prendre un bon vin chaud, où une bière bien froide. On a les genoux en compote, mieux vaut pas essayer de savoir quelle distance on a pu parcourir sur cette journée. On ne fera pas le malin, ce soir ce sera pommade et brexine pour tout le monde, on ne sait jamais, demain on chasse encore.
Mais en attendant, on fait le tableau :
On fêtera cela encore quelques heures même quand le noir sera de la partie, avec des petits poussées de trompe de chasse qui réchauffe. On voit déjà sur les visages comment était la journée, même si la photo est moins bonne parce que plus trop de lumière dispo.
On reviendra, c'est sûr.