de Caramba » 01 Juil 2014, 22:24
Modeste tentative d’y voir un peu clair, de décrypter les nombres.
1. Les totaux ne sont pas toujours justes
2. Au vu des tableaux, peut-on supposer que le territoire compte +/- 300-350 ha avec des fluctuations vers le haut et vers le bas ?
3. On peut se concentrer sur le Lièvre, dont on peut être presque sûr qu’il n’y a pas eu de repeuplement : le Lièvre concentre immédiatement et pendant plusieurs années les conséquences des aléas climatiques, de biotope, de prédation et de pression de chasse (lire braconnage, il arrive qu’un titulaire se braconne lui-même sans s’en rendre compte, simplement en chassant trop tard, trop souvent ou trop intensivement ou encore de manière peu adéquate, par ex. à la botte en décembre au bois)
• La moyenne des tableaux en Lièvres s’établit à 55,9 Lièvres/an.
• Jusqu’en 1950, les tableaux sont supérieurs à la moyenne, même parfois assez largement, ce qui est quand même pas mal alors que, dans l’immédiat après-guerre, tout le monde meurt de faim et qu’il est tentant de se servir.
• De 1951 à 1956, 6 années de vaches maigres.
• 1956 : gros hiver.
• De 1957 à 1961 : on repart à la hausse.
• 1962 et 1963 : deux hivers très durs, très froids : à la côte belge, la mer est gelée et les vagues se sont figées en icebergs ; je m’en souviens, il y avait dans ma chambre des photos tirées à La Panne, et très longs aussi : ils ont décimé les oiseaux d’eau de manière grave, certaines espèces ont pratiquement disparu de nos contrées ; le lièvre s’en tire, en tout cas les adultes les plus résistants.
• Tiens, c’est marrant : après un gros hiver, le tableau remonte (1964) à nouveau.
• 1971 : l’ouverture du lièvre et du faisan est fixée au 15 octobre.
• Arrivée de l’Art 2bis (25/50ha)
• 1973 : sécheresse et chaleur printanières : il avait fallu changer les bêtes de pâture, la récolte de l’escourgeon avait dû commencer dans les derniers jours de juin : des grains étaient déjà secs et racornis dans les épis.
• 1974 : automne doux et très mouillé (le + du siècle) : les premiers tracteurs 4x4 sont enlisés jusqu’à la panse lors de la récolte des betteraves, dans le Sillon belge, on avait la photo de 2 tracteurs en tandem avec une benne de betteraves derrière, tout ce petit monde était dans la gadoue, on a fait appel à l’armée pour terminer. En ce qui concerne le lièvre, on a bénéficié des avantages climatiques de l’année précédente.
• Et patatras ! L’automne doux de 1974 a donné des conditions idéales à la coccidiose, donc 1975 : ceinture ! Il faut dire aussi que, dans pas mal de chasses, on interdisait le tir des ‘’petits’’ lièvres : on ne tirait que les gros ! et donc les reproducteurs.
• 1977-1989 : à l’époque je donnais cours de biologie du gibier (à partir de 1978), et tout le Hainaut occidental se plaignait du problème ‘lièvre’.
• Le gros hiver 1978-1979 a fait des dégâts sensibles : de la neige à partir du 30.12.1978 jusqu’en avril, avec croûte verglacée empêchant toute velléité de gratter pour trouver à manger : j’ai porté des ballots de foin dans la campagne et les lièvres s’en sont alimentés, ils ont aussi couché dessus, la prédation est à son maximum d’influence sur les affaiblis de toute espèce, en particulier les perdrix qui ont disparu purement et simplement de beaucoup de territoires malgré l’alimentation ; lors d’une émission sur A2.2.2.2.2, on montrait des perdrix en perdition qui se laissaient prendre à la main : elles avaient les pattes gelées !
• 1992 : sécheresse estivale grave : ils meurent de soif !
• Hiver 1993-94 : il a commencé à pleuvoir en décembre et ça n’a pas arrêté jusqu’en avril-mai ; idem en 1994-95.
• Hiver 1995-96 : la dernière pluie de 1995 est en septembre, et la première pluie de 1996 est en avril-mai, pas très froid mais longtemps : beaucoup de retard dans le réveil de la végétation = alimentation ??
4. D’après le tableau, le renard est apparu en 1992 : il y a fort à parier qu’il était là depuis 1 ou 2 ans déjà sans qu’il n’ait été décelé… Simplement une question de discrétion et d’incrédulité… ou de refus de la réalité.
5. Pour le lapin, il est très sensible aux vagues de myxomatose, généralisées au début ou localisées par la suite, le RHD n’est apparu que dans les années 90, me trompé-je ? mais souvent, c’est le lapin qui fait gonfler les tableaux totaux.
6. Il est difficile de se prononcer sur le faisan : des faisans lâchés en août-septembre-octobre peuvent parcourir 3-4-5 km de leur lieu de mise en liberté jusqu’au moment où ils trouvent un endroit favorable. C’est ainsi qu'un biotope qui leur plaît particulièrement peut recevoir pratiquement tous les faisans lâchés du coin alors que le titulaire du biotope en question n’en "remet" pas !
7. Il aurait été intéressant d’avoir aussi les tableaux en mordants et corvidés.
8. Il est difficile de ne pas constater une sorte de cycle ; tout ne peut pas être attribué au climat, sauf sur justement le lièvre et le perdreau.
9. Assez clairement, l’apparition des pesticides dans les années 50-60 en agriculture est un seuil qui n’a pas fait que des heureux.
10. L’exception de 1976 : la sécheresse a débuté en février-mars, la première pluie est arrivée en août ; année de vaches maigres, c’est le cas de le dire, pour les éleveurs et laitiers, d’une certaine abondance pour certaines denrées agricoles, pas les pommes de terre : le paquet de frites a quadruplé en raison de la maigre récolte de patates et n’est plus jamais revenu à son prix d’avant ; les engrais et pesticides ont bien entendu été employés mais il semblerait que leurs effets aient été très réduits sinon annulés en raison de la pénurie en véhicule pour les produits : l’eau ! Cette année-là, il n’y avait plus de rosée : c’est resté ma référence.
En guise de conclusion, on peut toujours invoquer le climat qui génère des situations tantôt favorables tantôt défavorables, et ses effets sont souvent perceptibles sur plusieurs années dans le bien comme dans le mal, et ce sans qu’on se rende compte immédiatement de ce qui a fait du bien ni de ce qui a fait du mal, c’est parfois assez subtil.
Apparemment les gros hivers ponctuels ne nuisent pas beaucoup au lièvre, sauf s’ils se répètent ; par contre, les automnes-hivers doux et humides sont plus problématiques, vraisemblablement en raison de la coccidiose qui fait des tailles sombres dans les populations (toutes espèces).
L’histoire ne dit pas si les modes de chasse sont restés identiques sur toute la durée : chien d’arrêt, botte à quelques-uns, à beaucoup (+ de 10) avec ou sans postés, on peut imaginer que l’actionnaire de référence courait les guérets et les labours en 1947, mais qu’il se postait 20 ans plus tard, il n’était certainement pas le seul… Y avait-il des chasses spéciales pour le lapin ? Le tableau le laisse croire.
Par contre, ce qu’elle dit à longueur de résultats, c’est que la prédation n’a pas nécessairement l’impact qu’on lui attribue généralement : les années de vaches maigres et les groupes qu’elles forment se montrent dès 1950, alors que TOUS les moyens étaient permis pour détruire le mordant, y compris tous ceux qui sont interdits depuis le 01.07.1995 (Art 8 ), les rapaces ne sont protégés que depuis 1973 ; l’interdiction de tir des corvidés est intervenue en 1987-1988, leur protection intégrale a suivi.
En établissant un diagramme on s’aperçoit tout de suite que
• 1950 pète les plafonds
• de 1951 à 1974 c’est assez pauvre, quoique le début des années 70 marque en hausse
• 1975 constitue une grosse dépression dans la remontée
• 1976 est effectivement une bonne année pour la perdrix, le lièvre ayant un sursaut dans son marasme
• De 1980 à 1990, la régularité des tableaux de faisans fait penser à des importations régulières
• Ensuite, les tableaux deviennent assez miséreux, avec un sursaut timide en 1986 et un autre, plus conséquent, en 1990
• Est-ce qu’il n’y aurait pas eu une grosse modification du territoire ou de la société en 1991/1992 ?
• 1992 : le gouffre, puis continuité de la descente aux enfers après 1993 qui avait eu un sursaut.
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Caramba le 03 Juil 2014, 13:18, modifié 1 fois.
Sanglièrement vôtre,