de Caramba » 30 Juil 2018, 11:30
On s’y remet :
Pour compléter ce qui précède, on pourrait dire que ce l’on enseigne sur le biotope de prédilection du faisan de Colchide : zones rivulaires buissonneuses avec champs et zones ouvertes en alternance, grosses haies, s’applique particulièrement à Ph cc et finalement pas mal non plus à Ph ct, le faisan de Chine, c’est pour cette raison également qu’on les rencontre au bois si tant est qu’une végétation herbacée et arbustive soit présente.
Par contre, le faisan de Colchide ssp mongolicus (Phcm) a plutôt tendance à fuir le couvert arbustif : c’est une ssp de steppe, de plaine (au sens Loi sur la chasse). L’on a constaté à répétition que des Phcm remis 1) en été ; 2) au bois ; 3) après acclimatation de 4-6 semaines ; 4) en volière fermée puis ouverte se retrouvaient par cohortes de jusque 50 individus sur les chemins forestiers, tous marchant vers un but certain : un endroit libre d’arbres c'est-à-dire la plaine. À quel moment cela se passe t’il ? Entre mi-septembre et mi-octobre, lors de la dispersion des faisans qui quittent alors le territoire familial.
À ce sujet, il me revient une anecdote : un chasseur est adjudicataire dans les années ’70 dans un bois domanial ; l’adjudication a été faite pour une somme effarante, tellement énorme que le Président de l’adjudication rappelle que l’on ne vend pas la forêt. L’adjudicataire : un investisseur bruxellois désireux d’organiser des chasses à la journée avec tirs abondants de ‘’faisans’’. À l’époque, le faisan s’ouvrait le 15 octobre ; il lâche plus de mille faisans tous les quinze jours dans ce bois de +/-85ha isolé dans les plaines au sud de Binche.
TOUS les faisans lâchés ont disparu en quelques jours après mise en liberté et l’histoire s’est répétée chaque fois avec le même résultat : c’était l’époque des lâchers de faisans et ce qu’on trouvait chez les éleveurs de masse, c’était tout bonnement de la chair à canon (on a même trouvé ailleurs des canons à faisans) de Phcm ; l’adjudicataire a d’abord cru à une vaste entreprise de braconnage dont le forestier était à l’origine, il a porté plainte, a envoyé son avocat, du Barreau de BXL, je le sais parce que l’entrevue s’est passée dans un café, devant mes yeux et mes oreilles. Ça a été évidemment classé sans suite et le ‘’chasseur’’, qui n’avait toujours rien compris, s’est mis à lâcher directement les jours de tir, devant les clients. Après ça, on s’étonne encore du ressentiment des ‘’ornithologues auto-nommés’’ qui vouaient la chasse aux gémonies et de la réaction des gens en général, c’était tellement puissant à l’époque que j’ai bien cru que la chasse amateur allait disparaître pour faire place à une chasse de professionnels salariés pour régler les problèmes qui ne manqueraient pas de naître.
Quand on a affaire à une population de faisans issus de reproduction naturelle et de ssp mélangées, vivant côte à côte, l’observation montre que ceux qui restent au bois en automne sont des Phcc fortement phénotypés : couleur brun sombre, pas de plages claires dans le plumage, pas de collier, pas de casque : les autres phénotypes ont déserté la forêt et ses grands arbres pour aller en plaine et y rester définitivement. En ce qui concerne la distance de dispersion que de tels oiseaux sont capables de parcourir exclusivement comme fantassins, on observe que 3-4 km à vol d’oiseau constituent une règle et que 5-6km ne sont pas rares.
La question de la présence d’eau : selon la plupart des auteurs, elle est indispensable dans le biotope du faisan de Colchide ; je serais plutôt porté à penser qu’il n’est pas primordial d’avoir de l’eau pour qu’une population de faisans se développe harmonieusement, en fait, ils boivent peu et se contentent de la rosée.
Ces auteurs se trompent-ils ? Pas vraiment : en fait, les biotopes humides ont cette particularité d’abriter une faune et une flore abondantes en espèces dont le faisan se nourrit : insectes, mollusques et autres invertébrés pas seulement dans son jeune âge mais tout au long de sa vie. Ce sont des endroits exempts de pesticides, herbicides et engrais. Au bois, ce sont les ronciers principalement qui remplissent ce rôle.
Gérer une population de faisans : connaître leur biologie et s’abstenir d’idées sexistes, machistes : ça aide !
Tout le monde sait et est profondément certain que ce sont les coqs qui font la loi, qu’ils sont tout juste là pour cocher les poules et puis basta, que les poules s’occupent seules de la marmaille et que tout va bien comme ça, c'est-à-dire quand on a peu de coqs et beaucoup de poules, que voir des poules en mai-juin avec un coq sont des poules stériles ou trop vieilles ou encore que la saison s’annonce pas bonne.
Autant de poncifs qu’il est urgent de démonter.
• Les coqs : la base d’une population en expansion territoriale ! à la fin de l’hiver, les coqs s’approprient un territoire qu’ils défendent bec et ongles et pendant ce temps-là, les poules se baladent de coq en coq et donc de territoire en territoire.
• Que cherchent-elles ? un partenaire de reproduction de la même ssp qu’elles-mêmes ET un territoire de reproduction qui allie la présence de nourriture en permanence (on peut observer que les coqs qui s’approprient les agrainoirs constamment garnis ont le plus souvent plus de poules avec eux que les autres) et la présence d’abris abondants pour garantir la sécurité de la reproduction et son succès.
Beaucoup de coqs = beaucoup de territoires
• Les poules se choisissent un coq ; plusieurs études ont montré qu’elles préfèrent les coqs avec une longue queue et de longs ergots : ce sont les coqs les plus âgés qui sont les plus appréciés.
• Parce que ce sont ceux-là qui défendent le territoire avec le plus de succès. Défendre le territoire ? Contre qui ? Contre les autres coqs territoriaux ? que nenni ! ils sont trop occupés à défendre leur propre territoire ! Pendant la période de reproduction, ponte, couvaison, éducation des jeunes, les coqs parcourent sans cesse leur territoire, ils patrouillent à la recherche d’ennemis de tout poil et de toute plume et vont au combat mano a mano : il est évident que parfois, c’est du suicide pur et simple selon le prédateur et sa détermination mais pas toujours : les vieux coqs (3ans et plus !) sont là pour le démontrer.
• Bon, le prédateur a eu raison et a bouffé le valeureux coq. Que se passe-t-il ? Le territoire est orphelin de son protecteur et est donc éminemment exposé à la prédation. Appel à la réserve ! les réservistes : des coqs, souvent jeunes, qui n’ont pas pu s’octroyer de territoire donc pas de poules et qui vivent en satellites entre les territoires établis ou à des endroits non propices à la reproduction. Ce comportement a été étudié surtout sur la perdrix grise mais l’observation de terrain permet de s’en rendre compte chez le faisan aussi. Les coqs sont des facteurs déterminants dans le succès de la reproduction et contrairement à ce que mon père, comme d’autres, disait : il n’y en a pas toujours de trop !
Tirer les coqs en janvier = hypothéquer sa reproduction ;
tirer les coqs qui font la rebrousse = même chose, soit on chasse devant soi ET sans postés, soit on chasse en battue avec des traqueurs non armés.
• Alors ? lors des comptages après chasse, plus le sex ratio est favorable aux coqs, plus on a de chances d’assurer une reproduction abondante et forte. En situation de reconstruction de population, un coq pour 1-3 poules est plus avantageux que un coq pour 4-6 poules même si, en fin de compte, on observe que 4-6 poules constituent un harem habituel pour la plupart des coqs. Il y a les autres…
• En résumé : ce sont les poules qui pondent les œufs : pas de discussion à ce sujet mais ce sont les coqs qui font les jeunes, et pas qu’en cochant les poules, en tout cas pas en reproduction naturelle sur le terrain.
• L’année est catastrophique ! On voit plein de poules avec leur coq alors qu’on est en mai-juin ! Elles n’ont pas de jeunes ! Ce sont des poules issues d’élevage où elles sont traitées pour ne pas reproduire ! Tout fout le camp ! Ah d’ mon temps !
a. à partir du moment où les poules sont avec le coq, les problèmes éventuellement dus au following ont été surmontés et la correspondance subspécifique est une chose qui a été assurée lors du choix du partenaire par les poules : elles se sont TOUTES accouplées et ont pondu des œufs
b. bon OK mais alors qu’est-ce qu’elles foutent avec le coq au lieu de conduire leurs poussins ? elles ont pondu des œufs mais ne les couvent pas : œufs …perdus alors ? non pas : une poule a assuré l’incubation des œufs de ses copines : une brave petite quoi, c’est comme cela qu’on peut observer des couvées très abondantes et des compagnies fatalement très riches en faisandeaux réussis : c’est ainsi qu’en 2011, j’ai pu observer en mai-juin une compagnie de 24* faisandeaux conduits par une seule courageuse alors que les 3 copines fainéantes restaient à minauder avec le coq. Le comportement parasitaire de ponte chez le faisan n’est rien d’autre qu’une règle que l’on rencontre chez les autres espèces de Phasianidés, entre autres chez les poules domestiques qui pondent à plusieurs dans un seul nid.
*la littérature ‘’habituelle’’ parle de pontes ‘’normales’’ de 10-12 œufs chez le faisan de Colchide : je serais plutôt enclin à considérer que 6-8 seraient plus proches de la réalité de terrain en tout cas en ce qui concerne la ssp Ph cc ; les couvées plus abondantes seraient plutôt à attribuer à Ph cm.
E si non e vero, e bene trovato, no ?
Sanglièrement vôtre,