Limites de la liberté d'expression sur Internet !

Modérateurs: Centaure, Raboliot

Limites de la liberté d'expression sur Internet !

Messagede admin_solit » 06 Fév 2009, 17:19

Afin que tous le sachent, et que nul ne l'ignore !

Il nous a paru opportun de reproduire ici ce sujet posté par Ch@rles ce matin dans la rubrique Divers.

Bonjour :D
Voici un sujet abordé de manière me semble-t-il assez complète sur le site du http://www.coj.be.

La liberté d’expression sur le net
Liberté? Vraiment?


Dans quelle mesure peut-on s’exprimer librement sur le net lorsqu’on sait qu’un site perso, un blog (journal intime accessible sur le net) ou un forum sont autant de lieux "publics" puisque consultables librement par la large communauté des internautes? Peut-on tout dire? Existe-t-il des limites juridiques à ne pas dépasser?

Sur la toile, comme dans les éditions papiers, tout ne peut pas être dit. Dans le cadre de cet article, nous analyserons brièvement deux instruments légaux qui encadrent la liberté d’expression sur le net: la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie(1) et les articles du Code pénal portant sur l’injure, la diffamation et l’atteinte à l’honneur.

Les propos racistes sur le net
http://www.jedonnemonopinion.be – P., 45 ans – En révolte contre l’immigration, P. tient des propos racistes et/ou incitant à la haine sur le forum du site. Peut-il être poursuivi civilement et pénalement?

Sur le plan pénal, la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie punit un certain nombre de comportements poussant à la discrimination, notamment:

le fait d’inciter d’autres personnes à la discrimination, la haine ou la violence à l’égard d’une personne ou d’une communauté en raison de la prétendue race, de la couleur, de l'ascendance ou de l'origine nationale ou ethnique de cette personne ou des membres d'une communauté dans "l’une des circonstances indiquées à l’article 444 du Code pénal".

Le fait de donner une publicité à son intention de recourir à la discrimination, la haine ou la violence à l’égard d’une personne ou d’une communauté en raison de la prétendue race, de la couleur, de l'ascendance ou de l'origine nationale ou ethnique de cette personne ou des membres d'une communauté dans "l’une des circonstances indiquées à l’article 444 du Code pénal".

Cette loi ne concerne pas toutes les formes de discrimination (basée sur les convictions religieuses, philosophiques ou politiques, les préférences sexuelles, le sexe…), mais uniquement celles ayant trait à la "prétendue race", la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique.
Pour réprimer les propos incitant à d’autres types de discrimination, il faut se référer à d’autres textes juridiques(2).

Il faut insister sur le fait que la loi du 30 juillet 1981 réprime les incitations à la haine. La loi ne punit pas l’injure même raciale. Lorsqu’une
personne est victime d’une injure, elle peut, éventuellement, intenter des poursuites sur base des articles 443 et suivants du Code pénal (voyez plus bas).

Ensuite, ces actes sont punissables à partir du moment où ils sont réalisés dans "l’une des circonstances indiquées à l’article 444 du Code pénal":
ces actes doivent avoir été posés publiquement. Sont visés:

les lieux de réunion ou lieux publics et les lieux non publics mais ouverts à un certain nombre de personnes ou en présence de la personne offensée.

les écrits imprimés ou non, les images ou les emblèmes affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public. On peut en déduire que les blogs, forums(3), groupes de discussion(4) et autres sites accessibles au public sans restriction sont concernés par les dispositions pénales.

les écrits rendus ou non publics du moment qu'ils ont été communiqués à plusieurs personnes. Les mails envoyés à plusieurs destinataires peuvent être également inclus dans le champ d’application de la loi.
Dans notre exemple de départ, P. publie sur le forum du site http://www.jedonnemonopinion.be un message incitant à la haine raciale. Il peut être poursuivi pénalement sur base de la loi du 30 juillet 1981 parce que le message ainsi publié est bien un écrit exposé aux regards du public.
Il peut être également poursuivi si P. envoie un e-mail du même genre à plusieurs personnes. Il peut être poursuivi directement par la victime des propos ou encore par un groupement de défense des droits de l’homme ou de lutte contre le racisme(5).

Sur le plan civil, la victime d’une incitation à la haine raciale peut intenter une action en responsabilité contre l’auteur des messages incriminés et demander des dommages et intérêts. Elle doit prouver qu’une faute a été commise (ici, une infraction à la loi) et qu’elle en a subi un dommage (le plus souvent moral). Les actions au civil et au pénal sont le plus souvent introduites concomitamment.

Il faut remarquer la controverse qui existe quant à savoir si de tel délits constituent des délits de presse(6). Cette question est importante à partir du moment où l’article 150 de la Constitution belge prévoit la compétence de la Cour d’assises pour les délits de presse. En ce qui concerne l’application de la loi du 30 juillet 1981, cette question a une moindre importance puisqu’une révision constitutionnelle a rendu le tribunal correctionnel compétent pour connaître des affaires relevant de l’incitation à la haine, à la discrimination ou à la violence raciale. Nous aborderons cette question dans le point suivant.

On le voit la liberté d’expression garantie par l’article 19 de la Constitution est restreinte lorsqu’il s’agit d’exprimer publiquement - oralement ou par écrit - des opinions qui incitent à la haine, à la violence ou à la discrimination basée sur une prétendue race ou origine ethnique.

Injure et diffamation
http://www.jesuiscontretout.be (blog) – H. 19 ans – H. déteste l’école et surtout son professeur de math. Peut-il tenir des propos diffamant ou insultant sur le net pour le plaisir de se défouler et de salir la réputation de son professeur?

Sur le plan pénal, le Code pénal sanctionne les propos calomnieux ou diffamatoires qui portent atteinte à l’honneur d’une personne nommément visée ou aisément identifiable. Il n’existe pas de définition de ce qu’est une atteinte à l’honneur. Il s’agit d’une question de fait qui sera tranchée par le juge.

Les articles 443 et suivants du Code pénal énumèrent une série d’infractions qui relèvent de l’atteinte à l’honneur: la calomnie, la diffamation, la divulgation méchante, la dénonciation calomnieuse, l’injure, l’outrage et l’offense. Généralement, les cours et tribunaux condamnent sur base de la calomnie ou la diffamation lorsque la victime peut prouver que les propos tenus lui ont porté préjudice et qu’ils ont été prononcés ou écrits avec une intention "méchante" ou une volonté manifeste de nuire.

La calomnie et la diffamation sont considérées comme des infractions pour autant qu’elles aient lieu dans "l’une des circonstances indiquées à l’article 444 du Code pénal": ces actes doivent avoir été posés publiquement(7). Nous renvoyons, pour le détail, à ce qui a été exposé plus haut.

Dans notre exemple, H., même s’il considère que le blog qu’il a créé est un espace personnel, peut être poursuivi pour atteinte à l’honneur à partir du moment où les messages qu’il publie sur son site sont aisément consultables par les internautes.

Sur le plan civil, lorsqu’une personne estime être victime d’une injure ou d’une diffamation, elle peut obtenir des dommages et intérêts pour réparation du préjudice subi, elle devra intenter une action en responsabilité contre l’auteur des messages incriminés.

Nous avons déjà mentionné dans le point précédent qu’il existait une controverse quant à savoir si l’expression d’une opinion délictueuse sur le net pouvait être constitutif d’un délit de presse rendant ainsi la Cour d’assises compétente (et instaurant, vu la lourdeur des procédures, une impunité de fait). Au regard de la jurisprudence actuelle, il semblerait que les délits ainsi commis via le net sont qualifiés de délits de presse puisque ce sont des écrits (écrits électroniques communiqués au public via un forum(8.), une mailing list(9), etc.). En conséquence, intenter une action pénale ne serait pas judicieux. Il est préférable pour la victime d'intenter une action en responsabilité devant le juge civil et de demander réparation du dommage subi.

Responsabilité des gestionnaires de site?
Quelle est votre responsabilité si vous êtes modérateur de site ou si votre site dynamique permet aux internautes de laisser leurs commentaires(10)?

Sur le plan pénal, la mise en cause de la responsabilité pénale du gestionnaire de sites ou de forum n’est pas à exclure à partir du moment où les cours et tribunaux semblent reconnaître que les délits commis via Internet sont des délits de presse. En effet, le régime du délit de presse prévoit une responsabilité pénale en cascade: si l’auteur de l’infraction n’est pas identifiable, la victime peut se retourner contre l’éditeur.
En l’occurrence, le gestionnaire de site pourrait être assimilé à l’éditeur et encourir un régime de responsabilité pénale similaire.

Sur le plan civil, si vous avez pour mission de gérer ou de surveiller un forum, la plus grande prudence s’impose quant aux messages qui y seront diffusés. Même si vous n’êtes pas l’auteur des propos qui y sont tenus, votre responsabilité civile pourrait être mise en cause. Sans imposer une censure générale, il est préférable d’établir un système de filtre des messages avant édition sur le site. Ainsi vous aurez la possibilité d’apprécier la licéité des messages des internautes. Si vous ne souhaitez pas imposer un système de contrôle a priori, il vous est toujours possible d’assurer la police du site a posteriori et de rendre inaccessible les messages manifestement illicites. Le risque est qu’à défaut d’une surveillance régulière, ce type de message ne soit lu avant votre intervention. Par ailleurs, le régime de la responsabilité pénale en cascade a été entendu en matière civile. L‘éditeur de site pourrait alors être poursuivi au civil si l’auteur des messages n’est pas identifiable(11).

Conclusion

A la lecture de ces quelques lignes, le lecteur pourra conclure que s’exprimer sur Internet n’est pas dénué de conséquences juridiques.
Tout peut être dit mais dans le respect des limites imposées légalement à la liberté d’expression. Le sentiment d’impunité dont peuvent jouir certains internautes est tout relatif.
Internet n’est pas un état de non droit…

C.M.

1 M.B., 8 août 1981.
2 On se reportera alors à la loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination qui réprime toute forme de discrimination, M.B., 17 mars 2003; et à la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre Mondiale, M.B., 30 mars 1995.
3 Bruxelles, 27 juin 2000, A.M., 2001, p. 142.
4 Corr. Bruxelles, 22 décembre 1999, A.M., 2000, p. 134.
5 Art. 5 de la loi du 30 juillet 1981.
6 T. Verbiest et E. Wery, "Le droit de l’Internet et de la société de l’information. Droit européen, belge et français", Larcier, Bruxelles, 2001, p. 205.
7 Ph. Gérard et V. Willems, "Prévention et répression de la criminalité sur Internet" in Internet face au droit (E. Montero), CRID, Story Scientia, 1997, p. 154.
8 Civ. Bruxelles, 2 mars 2000, A.M., 2001, p. 147.
9 Civ. Bruxelles, 19 février 2004, R.D.T.I., 2005, n° 21, p. 75, note.
10 Nous n’aborderons pas, dans le cadre de cet article, le régime de responsabilité spécifique établi par la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information pour les hébergeurs de site et fournisseurs d’accès.
11Cass., 21 mai 1996, J.T., 1996, p. 597.


Bien cordialement en Saint-Hubert
:wink:
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Re: Limites de la liberté d'expression sur Internet !

Messagede Centaure » 30 Juil 2012, 09:24

" Peut-on tout dire ? A propos des insultes et incitations à la haine
...
Parmi les différents champs d’application, celui d’Internet concerne des centaines de signalements en relation avec la cyberhaine (mails en chaîne, sites web, blogs, forums de discussion,...). Pour ce média, il n’existe pas «d’exception numérique» et il est soumis aux mêmes règles que les autres médias qui sont diffusés en Belgique.
...
"

Source : http://www.secunews.be/fr/news.asp?ID=1383

Bien à vous, :wink:

C.
À force d'être déçu par les autres, je finirai bien par croire en moi. (Frédéric Dard) 8)
Regarde ton chien dans les yeux et tu ne pourras pas affirmer qu’il n’a pas d’âme. (Victor Hugo) :idea:
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Re: Limites de la liberté d'expression sur Internet !

Messagede Centaure » 03 Déc 2013, 10:12

" Des internautes critiquent les policiers: ils risquent jusqu'à 250 euros d'amende
Des internautes ont critiqué des policiers dans l'espace "commentaires" d'un site d'informations belge. Cinq procès-verbaux ont été dressés. Les fautifs risquent jusqu'à 250 euros d'amende.
...
" : http://www.rtl.be/info/belgique/faitsdi ... -13-12-03#

Bien à vous, :wink:

C.
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Re: Limites de la liberté d'expression sur Internet !

Messagede Centaure » 05 Déc 2016, 10:04

:idea: :idea: " Peut-on tout dire sur Internet ?
S’exprimer sur Internet, c’est s’exprimer sur la place publique. Soit un lieu qui, par nature, implique qu’on ne peut tout y dire, tout y faire. La liberté d’expression a des limites : pas question de déshonorer quelqu’un ou de l’exposer au mépris public. Ni de le harceler ou de diffuser sa photo sans son consentement. Encore moins de tenir des propos racistes ou xénophones à son égard. Les lois sont claires.
...
" : http://www.secunews.be/fr/news.asp?ID=1662

Pensez-y quand vous postez ! 8)

Bien à vous, :wink:

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