Bacchus,
Je ne suis pas gestionnaire de chasse, je suis titulaire du permis depuis peu de temps (seulement 2 saisons à mon actif), mais je me passionne pour cette activité depuis plus longtemps. De par ma formation de forestier et mon caractère disons, conciliant, je pense pouvoir être un peu capable de ne pas basculer trop d'un côté (sylvicole) ou de l'autre (cynégétique) de manière passionnelle et déraisonnée.
Avant toute chose, je crois que la chasse est une question de passion, que ce soit la passion de se retrouver dans la nature au petit matin, la passion de gérer un territoire, la passion d'observer le gibier et de suivre son évolution, la passion d'être confronté à son instinct et à l'intelligence du gibier lorsque celui-ci se sent en danger de mort, la passion de se sentir "revenir aux sources", la passion des traditions, la passion du tir (eh oui, pour certains, elle existe...) La chasse, donc, est avant tout question de passions, c'est ce qu'on pourrait qualifier de manière plus restrictive, un hobby, quelque chose que l'on fait "pour son plaisir". La chasse en soi n'est pas une nécessité absolue et acceptée par tous comme une action utile (la régulation du gibier pourrait très bien être pratiquée par une administration publique, si elle en avait les moyens). Bien au contraire, aux yeux de beaucoup, la chasse est une relique des droits féodaux, un hobby de nantis, amoureux des armes et du flingage en tout genre. La chasse et les chasseurs doivent donc se justifier, argumenter en leur faveur, pour continuer à pratiquer une activité qu'ils jugent utile à la bonne gestion d'un territoire naturel, mais aussi utile au bien-être de l'homme lui-même, car, dans bien des aspects, cette activité nous remet à notre place face à la nature.
L'activité de gestion du territoire, voire même de son aménagement, n'est pas une question de passion ou de hobby, c'est avant tout une question de pragmatisme économique. On aménage/gère un territoire de façon à ce qu'il soit conforme aux objectifs de rentabilité économique que l'on a fixés pour ce territoire. Même dans les cas de gestion de territoires naturels, il est question de ça, en y ajoutant toutefois un compromis "bénéfice naturel". Et, qu'on le veuille ou non, notre société actuelle a tendance à accepter plus facilement des arguments économiques que passionnels... Mais la rentabilité économique n'est pas l'ennemie de la forêt, bien au contraire ! Si la forêt wallonne n'était pas rentable, ça ferait longtemps qu'on l'aurait remplacée par des champs de maïs (ou de panneaux photovoltaiques !). On a d'ailleurs commencé à parler d'aménagement forestier à partir du moment où on a pris conscience de la valeur pécunière de la forêt (Colbert
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Colbert , un des premiers gestionnaires forestiers, était aussi... ministre des finances de Louis XIV ! Je ne pense pas que ça soit une coïncidence...).
Bon, trêve de bavardages, j'en viens à tes questions :
1) Tout comme Stromae (
), je pense que l'aménagement du territoire et chasse (petit ou grand gibier) sont intrinsèquement liés. L'un ne peut aller sans l'autre, on le voit d'ailleurs bien avec tous les exemples des grosses problématiques de la chasse : un aménagement du territoire sans tenir compte de l'aspect faune (chasse en particulier) provoque la dispartion des espèces chassables (cas de l'agriculture intensive et de la chasse au PG) et inversément, une politique de chasse qui ne tient pas compte du territoire provoque la dégradation de ce dernier (cas des surdensités de GG). Le problème, c'est qu'au niveau des gestionnaires justement, l'un peut aller sans l'autre : le droit de chasse se cède sans le droit de propriété ! D'où certaines difficultés à pouvoir agir en toute indépendance pour aménager un territoire plus propice à l'accueil des grands ongulés.
2) Oui, ça m'intéresse, mais n'étant qu'un actionnaire (et encore) je ne peux que m'y intéresser de loin ! Ou du moins, apprendre la théorie, sans pratiquer... Ici encore, je pense que c'est une question de point de vue : l'actionnaire peut se foutre éperdument de la gestion, si son plaisir se concentre entre le 1er octobre et le 31 janvier, sans que ça n'ait d'impact à court terme sur son hobby. L'actionnaire qui s'y intéresse n'a par contre pas plus d'options que de proposer des idées ou des actions à mener aux gestionnaires de la chasse sur laquelle il a son action. Son aptitude à l'argumentation et à la persuasion permettra peut-être qu'il s'implique réellement dans la gestion... Encore faut-il que le gestionnaire de la chasse puisse lui aussi convaincre le propriétaire du fond concernant certains aménagements ! Et là encore, argumentation, concertation, persuasion, compromis seront les meilleures "armes". Quand tout le monde y met du sien, parfois ça marche pas mal...
3) Les éléments de réponse à cette question se trouvent dans les réponses précédentes, mais, encore une fois, la difficulté, c'est la séparation des pouvoirs de décision.
4) Pas de propositions concrètes, si ce n'est la concertation avec les propriétaires : pouvoir prouver l'intérêt de certaines mesures d'aménagement propices à l'installation d'une population appropriée aux capacités d'accueil du territoire. Car, selon moi, c'est le territoire qui limite la population et non l'inverse. Donc, cette capacité d'accueil peut varier fortement d'un endroit à l'autre, et il faut absolument en tenir compte.
J'espère avoir apporté un peu d'eau à ton moulin ! J'aurais bien voulu travailler sur ce genre de sujet il y a deux ans !
Cordialement,
Pierre M.
Permis 2011