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Biodiversité et reponsabilité

Date : 26/03/2015

La préservation de la biodiversité est sans conteste une préoccupation majeure de notre époque et un impératif incontournable pour notre planète, notre avenir et celui de nos enfants. Tous les acteurs impliqués ou susceptibles de l’être (chasseurs, agriculteurs, sylviculteurs, naturalistes, pêcheurs, écologistes, environnementalistes, DNF, politiques) doivent être conscients de cette nécessité. Là où les avis divergent, c’est sur les vraies responsabilités de la perte de la biodiversité et les moyens à mettre en œuvre pour l’enrayer.

La tendance actuelle est de pointer du doigt les « surdensités en cervidés et sangliers », dénoncées de façon répétée, voire obsédante par les sylviculteurs et les environnementalistes.
L’excès nuit en tout.

Avoir des densités excessives n’est certainement pas une bonne chose.

Mais il ne faut pas tomber dans l’excès contraire et prétendre que les densités moyennes actuelles sont susceptibles de mettre en péril la forêt telle qu’elle existe de nos jours. S’il est incontestable que des densités excessives (encore faut-il s’entendre sur la définition du terme excessif) sont susceptibles de nuire à la biodiversité, leur responsabilité globale est clairement surestimée.

Le sanglier et la biodiversité

Cible première des environnementalistes, le sanglier est accusé d’être une calamité pour la biodiversité, et désigné comme étant un des responsables principaux de la diminution de l’avifaune, des reptiles et des batraciens, au point de mettre la survie de ces espèces en péril.

A propos des oiseaux


Pour bien mettre en évidence l’impact des sangliers sur l’avifaune, on fait souvent référence à une étude dans laquelle des « faux » nids, garnis d’œufs de caille, ont été placés sur un territoire de chasse (lequel présentait une forte densité de sangliers : 150 individus tirés par 1000 Ha/an, alors que la moyenne en Wallonie est inférieure à 40 individus tirés/1000Ha/an) et ces nids étaient surveillés par des pièges photos afin d’identifier leurs prédateurs potentiels.

Le taux de prédation était attribuable aux sangliers dans 40% des cas.

La conclusion de cette étude a été que l’impact d’une population de sangliers sur la population est majeur et pointe l’animal comme étant un responsable de la raréfaction de certaines espèces d’oiseaux.

Etude de l’impact du sanglier (Sus scrofa L.) sur la biodiversité des milieux ouverts dans le périmètre LIFE et sur l’avifaune nichant au sol du camp militaire de Marche-en-Famenne
Speybrouck E., Licoppe A. Lejeune P.


Nonobstant le fait que 40% soit minoritaire, la méthodologie de l’étude ne précise pas de quelle manière les « faux nids » étaient placés et dans quelle mesure leur camouflage était aussi efficace qu’un nid « naturel » au sol. Sur les photos qui illustrent l’étude, les nids semblent bien visibles. A noter qu’un total de 55.5 % du total des nids a été prédaté…

Trouver un nid naturel au sol est autrement plus difficile, les oiseaux prenant évidemment bien soin de les cacher dans une végétation dense. A quelle distance des coulées et des points de nourrissage les « faux nids » étaient-ils placés ? Aucune mention n’est faite à ce sujet. Les statistiques officielles concernant l’avifaune montrent sans conteste une très nette diminution des populations, certaines espèces étant parfois au seuil de la disparition. Mais cette diminution est-elle attribuable au grand gibier ?

Le graphique suivant, extrait du « Tableau de bord de l’environnement Wallon », p 102, montre que la population de grand gibier a plus que doublé en 20 ans. Personne ne contestera ce fait.

Cependant, sur le même document, page précédente (p 101), on trouvera un graphique attestant effectivement la chute de l’avifaune.

 

Source : Indicateurs Clés de l’Environnement Wallon 2012 - http://etat.environnement.wallonie.be

Or cette diminution concerne quasiment exclusivement les oiseaux nicheurs inféodés aux milieux agricoles. Les pratiques culturales intensives, le remembrement, la banalisation du milieu, l’usage des pesticides ont un impact direct et majeur sur l’avifaune, très clairement sans aucune mesure avec celle de la prédation des sangliers.

Par contre, les recensements d’espèces inféodées aux milieux forestiers ne montrent pas de diminution depuis 1990, alors que les populations de grand gibier ont plus que doublé sur la même période : il est donc logique d’en déduire que l’augmentation du nombre des cerfs et des sangliers n’a eu aucun impact négatif sur la population d’oiseaux forestiers et lesdites affirmations, sont par conséquent inexactes. Bien au contraire : par exemple, la cigogne noire, espèce emblématique et exigeante en matière de qualité de l’environnement, se porte bien, voire même très bien dans nos forêts Wallonnes. D’autres, par contre, en particulier les tétras lyre et les gélinottes, ont quasiment disparu, mais bien avant cette augmentation d’effectifs des sangliers : leur responsabilité est par conséquent exclue, la cause étant clairement la disparition de leurs biotopes spécifiques. Les sangliers étant opportunistes et omnivores, leur impact potentiel sur la biodiversité est réel, mais à moins d’avoir une population délirante, clairement surestimé.

Si on ne peut contester que si un sanglier rencontre un nid au sol, les œufs seront dévorés, l’animal n’a cependant pas un instinct de prédateur et ne recherchera pas systématiquement ou de façon délibérée les nids pour les détruire. En effet, les études scientifiques montrent que les végétaux constituent 80 à 90 % de son régime, les aliments d’origine animale excédant rarement 10% de son alimentation et sont constitués essentiellement d’insectes, d’escargots, de vers de terre, et de charognes.

A propos des reptiles et des batraciens.

Observation de terrain : les environnementalistes accusent les sangliers d’être responsables de la diminution des reptiles et des batraciens.

Mais en réalité, qui est donc responsable de la raréfaction des reptiles et des batraciens ?

  • En premier, et de très loin, la principale cause de raréfaction des batraciens est la raréfaction des zones humides. Un simple fossé de drainage dans un terrain fangeux est infiniment plus délétère pour les batraciens qu’une compagnie de sangliers.
  • En second, les voitures; en ce qui concerne les batraciens écrasés sur les routes, on estime, que sur un an, en Belgique, 60.000 batraciens sont « sauvés » par les bénévoles qui les font traverser dans les zones sensibles au moment de la reproduction.Sachant qu’il s’agit d’une action limitée dans le temps et l’espace, on peut extrapoler l’hécatombe réelle que cela représente.
  • Et ensuite, il faut bien que tout le monde se nourrisse : hérons, mustélidés, et même les buses, les foulques, les canards, les renards, les braconniers, etc…

Une étude objective sur l’évaluation de l’impact des populations de sanglier sur la biodiversité, commandée par la Région Wallonne et réalisée par le département de zoologie de  l’Université de Liège, après une étude approfondie des études scientifiques publiées, aboutit à la conclusion suivante :

 

  • « En milieu forestier, l’activité du sanglier peut mener à la destruction de la strate herbacée, à l’élimination des pousses, à l’altération de la régénération des arbres, à la diminution de l’activité biologique du sol et à une accélération de l’érosion.
    Quelques éléments positifs de l’impact du sanglier en forêt sont cependant mis en lumière : rôle de disséminateur des graines, effet favorable sur la croissance des arbres. Hors forêt, les fouilles sont généralement suivies d’un enrichissement spécifique du milieu. L’impact du sanglier sur la faune est relativement variable. Les études relativisent son importance dans la prédation des nids et la régression des populations de tétraonidés » (Corinne Maréchal).

 

Cette conclusion est nettement plus nuancée que les assertions habituelles.

 

 

Jean Luc Jorion

 


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