Aucun document attaché à cet article
Date : 05/05/2015
Quelques chiffres officiels, démontrant la puissance de persuasion de « l’arme des chiffres », si souvent utilisée
Une étude Anglaise a montré que les 9 millions de petits félins Britanniques seraient responsables de la mort de 55 millions d’oiseaux chaque année, et au total ils seraient responsables de la mort d’environ 275 millions d’animaux chaque année au Royaume-Uni. Ce chiffre inclut une grande variété de proies (petits mammifères, reptiles, amphibiens, papillons et oiseaux).
Les densités de chat sont évidemment plus élevées dans les zones urbaines. Une étude a montré qu’il pouvait y avoir jusqu’à 230 chats sur un kilomètre carré ! Aux Etats-Unis, les chiffres sont encore plus spectaculaires : entre 1.4 et 3.7 milliards d’oiseaux et entre 6.9 et 20.7 milliards de petits mammifères par an. Les chats domestiques tuent entre 5 et 10 oiseaux par an, les chats errants entre 30 et 50. Compte tenu du nombre de jardins en zone urbaine et rurale, et de leur importance en tant qu’habitat pour la nidification et leur alimentation, l’impact de la prédation féline est majeur. Il y a 2 millions de chats en Belgique. Si l’on extrapole les chiffres, cela fait entre 10 et 20 millions d’oiseaux tués. Il est douteux que les 20.000 sangliers Wallons soient aussi néfastes pour la gent ailée. Pour aboutir à ces mêmes chiffres, il faudrait que chaque sanglier dévore à lui seul 600 oiseaux…
Au Royaume-Uni, où les loups sont absents, 30.000 brebis et entre 5.000 et 10.000 agneaux sont tués chaque année par des chiens. Ces pertes s’élèvent à 2,5 millions d’euros par an. Parmi les mammifères sauvages, les ongulés sont les premières victimes. Une étude menée en Haute-Savoie (Esteve, 1985) révèle que 13 à 26 % de la mortalité des ongulés sauvages serait imputables aux chiens ; les chevreuils étant les plus touchés par cette prédation. Dans la Réserve nationale de chasse du Caroux-Espinouse (Hérault), un peu plus de 4 % des cadavres de mouflons de Corse retrouvés auraient subi la prédation de chiens
En Allemagne, chaque année, 100.000 jeunes cervidés sont victimes des machines agricoles. Le taux de mortalité des femelles Colverts au nid varie entre 19 et 40% et dans près de 50% des cas la prédation constitue le premier facteur de mortalité suivi des machines agricoles. Une étude réalisée sur un territoire Marnais d’environ 1 000 hectares, a montré que la presque totalité des poules de perdrix grise était tuées sur le nid aux stades incubation et éclosion lors de la première coupe de luzerne, avec une destruction de 50 % des œufs. Toujours dans la Marne, des essais d’effarouchement sonore, réalisés en juillet lors des récoltes de luzerne, ont révélé que 11 % des lièvres présents dans les parcelles suivies avaient été tués par la faucheuse, de même que 23 % des lapins et 13 % des perdrix grises.
Le taux de mortalité des lièvres a été estimé à 16 % par coupe. Chaque parcelle pouvant être fauchée trois ou quatre fois dans l’année entre mai et août, cela représente pour les secteurs étudiés de l’ordre de 25 lièvres tués par 100 hectares de luzerne et par an.
La situation dans les plaines et les grandes cultures peut être réellement jugée comme catastrophique : la biodiversité est en chute libre, tous les indicateurs montrent une réduction majeure de la diversité, aussi bien en matière de végétaux, que d’insectes, et d’oiseaux, et en ce cas, ce ne sont certainement pas les sangliers qui sont responsables. Le rapport de l’OCDE concernant l’examen des performances environnementales en Belgique est très clair à ce sujet : « Selon les données disponibles, l'évolution passée vers une dégradation des habitats et une perte de diversité biologique ne s'est pas inversée. Il ne reste guère de place pour la nature sauvage en dehors des forêts et des zones protégées. Les mesures prises n'ont jusqu'à présent guère permis de contenir les fortes pressions qu'exercent la culture et l'élevage intensifs sur les écosystèmes aquatiques et terrestres » http://environnement.wallonie.be/rapports/ocde/_belgique.
La levée de l’obligation pour les agriculteurs de mettre une partie de leur exploitation en jachère a eu pour conséquence la disparition brutale, du jour au lendemain de 20.000 Ha de jachères, soit plus que la superficie de Bruxelles (16.000 Ha) ! Impact écologique d’autant plus important que ces jachères étaient disséminées sur l’ensemble des zones agricoles, réalisant un maillage écologique déjà bien mis à mal par le remembrement. L’agriculture industrielle aboutit à de larges étendues de terre dénudée en hiver, recouverte de hardes de corneilles, qui sont des prédateurs bien plus redoutables pour les oiseaux que les sangliers.
On peut très bien concevoir, et cela est dans la logique des choses, que le sylviculteur puisse avoir pour objectif premier la rentabilité financière de ses plantations. Malheureusement, cela se traduit souvent par une gestion de la forêt qui s’apparente plus à de l’agriculture industrielle, essentiellement pour les résineux, qui représentent près de la moitié de la surface boisée. Considérons une plantation d’épicéas ou de douglas. Les arbres, une fois arrivés à maturité sont abattus, les branches sont ensuite girobroyées jusqu’à obtenir un « tapis de sciure ». La puissance destructrice des machines utilisées est impressionnante. Or, il n’existe aucune étude sur l’impact écologique du girobroyage, et par conséquent aucune réglementation pour limiter, par exemple, cette pratique à une période précise de l’année, ni à un laps de temps après la coupe. Un tel chantier, si il est réalisé juste après la coupe (au stade de branches) aura moins d’impact écologique négatif que si il est réalisé, par exemple, 2 ou 3 ans plus tard : entretemps une végétation diversifiée s’y sera développée, et si le girobroyage est réalisé au printemps et en été, il faut s’imaginer les dégâts majeurs en matière de perte de biodiversité: sans compter la végétation, la flore, tous les nids au sol seront détruits, et les animaux (insectes, micromammifères, faons) broyés. Il s’agit donc bien d’agriculture industrielle.
Petit exercice de calcul à l’usage des enfants d’école primaire : combien de sangliers faudrait-il pour aboutir à un massacre biologique équivalent ? Un beau sujet d’étude pour les biologistes en recherche de publications…
Choc de symboles : le dernier orvet ayant survécu à ce cataclysme écologique est prédaté, non pas par un sanglier, mais par une autre espèce protégée.
Les sangliers sont également incriminés dans le tassement des sols et nombreuses sont les photos montrant des enclos-exclos avec une végétation luxuriante à l’intérieur et inexistante ou presque à l’extérieur. Les sangliers sont également accusés d’éroder par piétinement les sols, rendant toute régénération impossible, les sols étant dénudés, et ce surtout, dans les points de nourrissage
Une belle chênaie, avec une végétation au sol abondante…
Il s’agit pourtant d’un point de nourrissage hivernal… (Photo prise au mois de mai, alors que la végétation n’a pas atteint son développement maximal).
L’impact des lourdes machines de sylviculture est nettement plus important. Les lésions de scalpage (effet de fraisage et de laminage à la surface du sol, qui ont comme effet direct la destruction des racines dans les couches supérieures), l’orniérage, martelage et compactage entraînent un tassement des sols avec les conséquences sur la régénération naturelle. Il faut donc relativiser les choses et replacer le degré de responsabilité de perte de la biodiversité en fonction de l’impact réel.
Jean Luc Jorion